Lettre à Ma Mère – Georges SIMENON

Le Thème.

Relation Maternelle.

Une Citation.

Nous sommes deux, mère, à nous regarder; tu m’as mis au monde, je suis sorti de ton ventre, tu m’as donné mon premier lait et pourtant je ne te connais pas plus que tu ne me connais. (…) Pourtant, crois-le, c’est pour effacer les idées fausses que j’ai pu me faire sur toi, pour pénétrer la vérité de ton être et pour t’aimer, que je t’observe, que je rassemble des bribes de souvenirs et que je réfléchis.

L’histoire en quelques mots.

Henriette, la mère de Georges Simenon, est sur le point de mourir. Le romancier quitte alors sa blouse et devient un homme, un fils face à la mort de sa mère.

Ce que j’en ai pensé.

Ce texte recèle une beauté et une tendresse inouïes. Il y a peu, j’ai répondu au Liebster Award Tag, et dans une des questions, on parlait de l’auteur dont l’écriture me touche le plus. Georges Simenon vient de détrôner Jean-Louis Fournier…

Dans mon enfance, je crois que j’ai rayé la bande son de la K7 Vidéo du film Le Chat, réalisé à partir du roman éponyme de Georges Simenon. Je connaissais chaque moment, chaque réplique. Ce film m’a toujours bouleversé par sa justesse, son humanité, par sa noirceur aussi. Quand j’avais 7-8 ans, c’était pour le Chat lui-même. Je pense l’avoir regardé une bonne vingtaine de fois par la suite puis j’ai acheté le DVD dès que ce fut l’époque et je l’ai regardé encore. Je suis fascinée par l’interprétation de Jean Gabin et Simone Signoret. Je ne les vois plus que par ces rôles-là.

Vous allez vous dire que je dévie de ma critique mais après avoir lu Lettre à ma mère, je me trouve dans le même état. Je ressens cette ambiance-là une nouvelle fois, je sens cette écriture intime et douce. J’ai compris que Gabin et Signoret ont sublimé et rendu justice à cette plume que je ne connaissais pas encore. Simenon était uniquement un nom. Ce livre m’a offert plus que ça.

Je ne saurais quoi dire de plus mis à part : 1) Choisissez l’édition du Livre de Poche, augmentée par des dictées post-Ecriture de la Lettre qui donnent une très belle dimension à l’ensemble. 2) Lisez-le. Je ne dis pas que l’on peut s’y reconnaître puisque moi-même, je n’ai pas cette relation avec ma mère. Je crois que ce livre va au-delà de ça. Il aborde le  pardon, la compréhension de cette Mère, si proche et parfois si étrangère. Il parle de cet Amour que l’on ne connaîtra qu’une fois. Il parle de l’humilité et du combat d’une vie. Il parle de beaucoup de choses sensibles. Il est authentique.

Ce devait être une lecture de transition, c’est beaucoup plus que cela…

Auprès de moi toujours – Kazuo ISHIGURO

Le Thème.

L’Humanité.

Une Citation.

Il y a quelques jours je parlais à l’un de mes donneurs qui se plaignait que les souvenirs, même les plus précieux, s’estompent à une rapidité surprenante. Mais je ne suis pas d’accord avec ça. Les souvenirs auxquels je tiens le plus, je ne les vois jamais s’estomper. J’ai perdu Ruth, ensuite j’ai perdu Tommy, mais je ne perdrais pas mes souvenirs d’eux.

L’histoire en quelques mots.

Kathy nous emmène au fil de ses souvenirs au coeur de son enfance à Hailsham, une école idyllique. On y rencontre ces doux instants de vie, ces personnes qui y ont participé, ses amis Ruth et Tommy. Kathy nous entraîne ensuite dans son adolescence dans les Cottages puis dans sa vie d’adulte. Mais au final, quelle est cette vie conditionnée dans l’ombre ?

Ce que j’en ai pensé.

Comme un proche le ferait, vous écoutez Kathy dérouler le fil de ses souvenirs. Vous faîtes des bonds dans le temps, vous lisez des descriptions que vous pensez anodines, parfois inutiles. Vous vous perdez un peu dans les enchaînements, rien de bien méchant. Vous ne comprenez pas tout sur ce qu’elle fait vraiment, ni qui elle est. Parfois, vous pourriez même lui demander de s’arrêter, d’en dire davantage ou d’abréger mais sans réellement oser l’interrompre. Parce qu’en fait, à un moment assez avancé de l’histoire, vous vous en rendez compte, ces débordements servent le tout, le contexte, la connaissance des personnages. Vous percevez l’ambiance, l’intimité des situations, l’expression des sentiments.

Kazuo Ishiguro possède à la fois une plume poétique, une douceur fragile, une pudeur et à la fois, le verbe cru. Une certaine cruauté aussi lorsque peu à peu vous comprenez ce qu’il se trame. Bien entendu, vous sentiez qu’il y avait quelque chose d’étrange puisque c’est un roman d’anticipation comme dit dans le résumé, mais sa beauté se révèle réellement dans la façon de tisser la toile d’araignée. Plusieurs fois, j’ai cru que j’allais passer à côté du livre ne voyant qu’un enchevêtrement de situations. Quelques fois, j’ai vu les thèmes décrits à savoir la perte d’innocence, l’importance de la mémoire, la valeur que chacun accorde à autrui en filigrane mais cela semblait flou, un peu survolé jusqu’aux révélations de l’un des personnages.

Il est assez difficile de ne pas trop en dire sans révéler des points-clé de l’intrigue aussi je passe en blanc pour la suite…

Les réflexions amenées me font penser à la série Humans, sur la question de l’humanité de façon générale même si ici, nous parlons de robots, et là, de clones. Finalement, pouvons-nous disposer d’eux comme de simples outils ou réservoirs à tissus organiques ? Jusqu’où pouvons-nous aller dans la science sans que cela ne mobilise davantage notre propre réflexion ? Devons-nous attendre d’être face à de telles situations pour y réfléchir ? Devons-nous attendre pour y accorder un peu d’attention ? Devons-nous nous en remettre entièrement aux penseurs définis ? Un début serait peut-être de lire cette publication de 2004 de l’Unesco et d’approfondir nos lectures.

Il y a peu, Orwell écrivait 1984 et aujourd’hui, beaucoup d’entre nous sommes effarés de voir la ressemblance avec notre monde. D’ici combien de temps dirons-nous la même chose de ce livre ? 

Si le coup de coeur n’a pas été immédiat, une sorte de tendresse s’est développée pour cette histoire depuis que j’ai tourné la dernière page, et une certaine peur aussi.