L’Attentat – Yasmina KHADRA

Le Thème.

Survivre à un Kamikaze.

Une Citation.

Lorsque l’horreur frappe, c’est toujours le coeur qu’elle vise en premier.

L’histoire en quelques mots.

Un chirurgien est appelé sur son téléphone après avoir passé des heures à opérer des victimes d’un Attentat au coeur de Tel Aviv. En arrivant, on lui présente un corps déchiqueté. Celui de sa femme. La Kamikaze, c’était elle. Cette révélation fait partie de la quatrième de couverture. Amine va plonger au coeur de l’horreur, les émotions vont le submerger et l’emmener plus loin encore. Au coeur de la Haine et de l’Horreur.

Ce que j’en ai pensé.

Ce livre m’a été conseillé il y a plus d’un an, et l’enthousiasme était tel que je l’avais acheté rapidement. Avec les divers évènements de 2015, j’ai clairement repoussé cette lecture (et d’autres sur le même thème), ne me sentant pas prête à une telle lecture. Pourquoi maintenant alors vous me direz? Parce que j’avais justement envie d’enlever ce livre de mon étagère. Je redoutais l’impact qu’il pourrait avoir et est donc tenté de mettre une barrière dès les premiers mots.

Je n’ai pas particulièrement accroché à l’écriture de Khadra : elle me semble surfaite et superficielle trop souvent. Ce qui m’a aidé donc. Pour autant, il y a de ces passages où les mots se révèlent être purs et difficiles. Sans états d’âmes. Il n’y a aucune place pour les beaux sentiments ou les larmoiements hypocrites. Les mots vous prennent aux tripes simplement. Ce livre est aussi puissant qu’un coup de poing, ou qu’une salve de coup de poing dans le ventre. Soyez assurés que, le peu d’espoir qui émerge à certains moments, ce livre le détruira.

« Un rien déclenche l’irréparable lorsque la haine est en soi.« 

Oui, je sais c’est brutal comme avis, mais jamais autant que ce livre et moins encore que la réalité…

Et même si certaines phrases sont lumineuses et humbles, « Il n’y a rien, absolument rien au dessus de ta vie… Et ta vie n’est pas au-dessus de celle des autres. », ce livre est et reste violent. Il y parle de Haine, de Colère, d’un conflit ancien qui a détruit, détruit et détruira de nombreuses femmes et hommes.

Ce livre parle d’un parmi Eux qui cherche la raison de son « échec » à rendre heureuse sa femme, à ne pas avoir vu le Signe qu’il aurait pu saisir et ainsi l’empêcher d’accomplir sa tâche. Pourtant le narrateur m’a souvent paru assez égocentrique dans ses pensées. Il me semble tellement plus effondré d’avoir été mis en échec dans son rôle de mari idéal, attentionné. Ce trait m’a particulièrement dérangé, empêchant un quelconque attachement à sa personne et à sa peine. Je me suis parfois demandée si c’était le désespoir qui le menait dans cette direction mais ses pensées égocentriques revenaient, brisant toute tentative de compréhension.

Bref, au-delà du personnage, ce livre est une sacrée expérience que je ne peux noter que sur l’impact. Je sais qu’il restera dans un coin de ma tête, notamment grâce à certaines de ses phrases.

« Il n’y a que deux extrêmes dans la folie des hommes. L’instant où l’on prend conscience de son impuissance, et celui où l’on prend conscience de la vulnérabilité des autres. Il s’agit d’assumer sa folie, docteur, ou de la subir.« 

« La vie d’un homme vaut beaucoup plus qu’un sacrifice, aussi suprême soit-il…car la plus noble des Causes sur terre est le droit à la vie…« 

Les Hauts de Hurlevent – Emily BRONTË

Le Thème.

Une Passion Destructrice…

Une Citation.

Le monde entier est une terrible collection de témoignages qui me rappellent qu’elle a existé, et que je l’ai perdue! 

L’histoire en quelques mots.

Heathcliff, Enfant recueilli et rejeté, aimé et détesté. Heathcliff, en proie à une passion dévorante qui le mènera à détruire le destin de trois familles.

Ce que j’en ai pensé.

Un vrai Coup de coeur pour ce roman qui m’a surprise de bout en bout. Je ne m’attendais pas du tout à cette claque. J’avais acheté ce classique de la littérature anglaise aux éditions Point2 pour me « pousser » à la découverte en l’emportant partout avec moi. J’ai regardé des sujets sur le roman et là, révélation. Je n’ai pas fait attention au traducteur. J’ai cherché et trouvé un site qui comparait 4 traducteurs il me semble, sur un même passage. L’une d’elles m’a clairement plu pour son ambiance. C’était la traduction de Frédéric Delebecque… et j’ai eu le plaisir de voir que c’était celle que j’avais.

En m’arrêtant quelques instants sur la littérature anglaise, c’était mon premier et je suis subjuguée par sa puissance. J’ai adoré le style d’Emily Brontë, les tournures, les différentes narrations et les émotions qui transparaissent derrière chaque mot si bien que je crains la déception pour Jane Austen ou d’autres soeurs Brontë.

J’ai complètement plongé dans l’écriture que j’ai trouvé très abordable, fluide et pas du tout représentative de ce que j’imaginais pour la littérature anglaise puisque je n’ai justement pas trouvé de côté vieillot.J’ai complètement accroché aux narrateurs que ce soit Hélène/Nelly ou Lockwood. C’était un pur plaisir de les écouter et les imaginer. J’ai aimé leurs partis pris, leurs façons d’interpréter et de s’immiscer dans les évènements. Y compris la particularité de Joseph même si je devais m’y prendre à deux fois pour le comprendre, c’était avec le sourire. J’ai trouvé les envolées lyriques très belles et savouré les descriptions qui m’ont plongé dans un instant présent, très facile à se représenter. J’ai adoré l’ambiance sombre, glauque. Les troubles qui agitent cette famille, leurs tourments… Ce huis-clos est absolument superbe, il ne donne pas envie d’en sortir par la beauté des paysages, le mystère qui entoure les lieux, les histoires. Et puis, je me répète mais je ne souhaitais qu’une chose, retrouver Heathcliff. Je ne pouvais/voulais donc pas m’échapper ! Je me rends vraiment compte à chaque fois que j’écris que c’est plus qu’un coup de coeur pour cet Homme.

J’aime Heathcliff, et mon Coup de Coeur pour ce livre vient particulièrement de sa présence. Je l’ai aimé Enfant, Adulte, Vieillard. Je l’ai aimé Amoureux, Pouilleux, Classe, Vengeur, Sombre, Hanté, Torturé, Manipulateur et Pervers. Par contre, il y a une chose que je n’ai pas aimé : son Absence dans certains passages! donsmofb (37)  (Ce qui fait qu’elle me poussait à continuer pour le retrouver… Et à ralentir ma lecture pour ne pas le quitter.) J’ai aimé toute sa psychologie, tous ses tourments, tout son personnage. Je l’ai trouvé profondément sincère et touchant dans son amour pour Catherine (La réciproque étant fausse pour moi) J’ai été remarquablement retournée par sa présence, son emprise, par le fait qu’il arrive à faire pendre le chien d’Isabelle par elle-même. Et puis son attraction qui fait que même si elle le déteste, elle le sauve. Il est puissamment fort et attractif. Et… Je n’ai pas supporté de savoir qu’il allait mourir sur la fin, mais le savoir errant, heureux et amoureux me ravit. Il est là quelque part.  

Et une Merveilleuse lecture pour moi en cette année 2015.

Personne – Gwenaëlle AUBRY

Le Thème.

La folie au quotidien

Une Citation.

Je ne pouvais m’empêcher de penser à lui, de songer, face à ce père seul dans un appartement avec son enfant, que cela, il l’avait fait pour nous aussi, qu’il lui avait bien fallu, quand nous le retrouvions pour un week-end ou des vacances, tenir en respect ses fantômes, ses délires pour accomplir les gestes qui bordent l’enfance, trouver, dans la sienne qui s’épuisait, l’énergie d’alimenter nos vies, vulnérables e voraces, préserver, dans le chaos où il était, un îlot d’ordre, dans le réel qui s’effritait, des horaires et des règles (nous donner des bains dans la baignoire où, le reste de la semaine, il lavait ensemble ses chemises et son chien, nous préparer à dîner, tracer sur nos fronts, le soir, au coucher, les signes magiques qui nous protégeaient) — « Je n’ai connu de bonheur permanent que celui qui vient de l’existence de nos enfants, tout le reste me semblant précaire, fragile, menacé ».

L’histoire en quelques mots.

En autant de lettres que l’alphabet comporte, Gwenaëlle Aubry nous livre 26 portraits de son père, jadis « fou », aujourd’hui décédé. Ce mot « fou » qui recèle tant de peurs pour l’extérieur, révèlera des moments d’effroi, de colère, de culpabilité et de tristesse. Il retiendra aussi des moments de tendresse, de complicité, de liens invisibles incroyables.

Ce que j’en ai pensé.

Dès les premiers instants, une phrase annonce la teneur du livre. Sous la plume de Gwenaëlle, la folie règne : Il dit ce que c’est de porter en soi une telle armée, d’être pour soi-même une terre fourmillante et désertée, de ne trouver à l’intérieur de soi que l’enfer des êtres extérieurs à soi. Il dit, pire que la douleur, que l’éternel enfer l’explosion de son véritable moi. Et pourtant, il y a bien d’autres choses : des portraits historiques palpitants d’ancêtres homonymes, des secrets et des coïncidences, des rencontres hasardeuses ou non…

Entremêlés aux souvenirs de la jeune femme, des passages écrits du père qu’il consignait dans des cahiers. Autant de confrontations. La folie vue par la petite fille, la folie vue par la famille à travers la petite fille, la folie vue par le fou lui-même avec ses moments de lucidité, ses moments de profond désespoir, parfois sa volonté de faire comme si, parfois sa volonté de ne plus être…

Il y a beaucoup de tendresse qui émane des mots, dans les descriptions d’ambiance, de lieux ou de sentiments. Il y a des passages qui mènent à la réflexion. La différence entre être et avoir. La place que l’on occupe dans le monde, cette absence d’originalité, de grain de folie. La conformité des gens et l’intolérance, l’abandon de ceux qui ne répondent pas correctement aux normes.

Ce livre remue beaucoup de choses, mais il y a une certaine inégalité entre les chapitres. Certains paragraphes sont fluides, emportés par une poésie certaine, quand d’autres accrochent nettement, comme s’il fallait faire cette lettre coûte que coûte. La volonté de respecter un alphabet y’a-t-il joué?  Un autre point qui a freiné ma lecture plus d’une fois : la ponctuation. J’ai souvent eu cette impression qu’elle était mal placée, que ce soit par rapport au sens de la phrase ou de la respiration même. Si cela n’était pas trop gênant dans la première partie puisque contrebalancé par des phrases intenses, les dernières lettres de l’alphabet offrant moins d’envolées lyriques, mettent en exergue les difficultés de lecture.

Si ces deux derniers aspects empêchent une appréciation globale plus enjouée, il n’en reste pas moins que je garderais en mémoire une pointe de nostalgie et beaucoup de tendresse pour la relation décrite.

Maus – Art SPIEGELMAN

Le Thème.

Transmettre l’Histoire.

Une Citation.

Anja, mâche ça. – Tu as trouvé à manger ? – Non, c’est du bois, mais mâcher, ça donne un peu l’impression de manger. 

L’histoire en quelques mots.

Art dessine les souvenirs de son père, Vladek. Celui-ci a connu les ghettos et les camps de concentration. Il en est ressorti… Vivant ?

Ce que j’en ai pensé.

Cette bande dessinée est un coup de poing.Un dessin vaut mieux que cent discours, entend-on parfois et même si Art Spiegelman écrit dans une de ses bulles : Combien de livres ont déjà été écrits sur l’Holocauste. A quoi bon? Les gens n’ont pas changé… Peut-être leur faut-il un nouvel Holocauste, plus important. Il n’en reste pas moins que ce livre-là transmet énormément de choses (et si peu à la fois).

Un tracé sans fioritures à observer, une personnification des animaux à appréhender, une construction de phrases à laquelle on s’habitue, et une fois entamée, on ne peut que plonger la tête la première dans cette sombre BD.

Il nous parle de la vie dans les Ghettos, de la tension de chaque instant, de la méfiance envers son prochain, de la trahison de ses proches et de la bonté de parfaits inconnus.

Il nous parle des conditions de vie dans les Camps, des paroles qui sont réconfortantes sur le moment mais paraissent profondément horribles a posteriori, des instants d’Espoir et de profond désespoir, des magouilles et de la chance.

Si Vladek parle de tout ça et que c’est déjà intense, Art nous transmet bien d’autres choses encore. Il ne dessine pas que les souvenirs racontés par son père, mais aussi le contexte dans lequel il le fait, les évènements de la vie quotidienne qui viennent interférer, ses propres doutes et questionnements. Il partage son vécu, la relation difficile à son père et ses traits caricaturaux qu’il retranscrit avec une sensation de honte. N’est-il pas lui-même en train de propager des idées reçues ? Ces mêmes idées qui ont servi de prétexte pour enfermer et exterminer des personnes? Art nous parle également des fantômes de sa mère, de son grand frère qu’il n’a pas connu et tant d’autres. Art SPIEGELMAN nous parle de cette culpabilité de vivre quand d’autres sont morts. Et c’est dur.

Prochaine lecture BD : MetaMaus du même dessinateur.